lundi 19 novembre 2012

Les arcs-en-ciel du noir

J'ai déjà parlé ici d'Annie Le Brun, qui a organisé l'exposition Les arcs-en-ciel du noir à la maison de Victor Hugo, à Paris. Un livre portant le même titre a été publié chez Gallimard, que j'ai emprunté récemment à la médiathèque. Fort, intense et bel ouvrage, qui veut rendre hommage à ce que l'auteur appelle l'énergie noire du poète, qui irradie aussi bien dans ses textes que dans ses encres.

Le théâtre tient une place de choix dans ce panorama de l'obscur. Éblouissement premier devant la scène du théâtre de Bayonne, découvert dès l'âge de huit ans, qui ne cessera de se répercuter dans l’œuvre. "Ainsi, écrit Annie Le Brun, alors même que la tendance naturaliste est en train de gagner l'esthétique théâtrale de son temps, il va célébrer l'artifice pour affirmer la nécessité de l'illusion théâtrale et son enjeu :

"Le théâtre n'est pas le pays du réel: il y a des arbres de carton, des palais de toile, un ciel de haillons, des diamants de verre, de l'or de clinquant, du fard sur la pêche, du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessous terre. C'est le pays du vrai : il y a des cœurs humains sur la scène, des cœurs humains dans la coulisse, des cœurs humains dans la salle."(Tas de pierres III)
Annie Le Brun signale aussi l'extrême importance accordée à l'espace comme élément du drame hugolien : "espace révélateur par le vide qu'il recèle, telles que les architectures fantasmées d'Espagne et d'Italie n'auront cessé de creuser la nuit de son théâtre."

"Et il est remarquable que l'irréalité de celle-ci se trouve figurée dans ses manuscrits, souvent enrichis de dessins de décors sortant du texte même, comme d'entre les feuillets d'Hernani, d'Angelo, des Burgraves ou encore de Ruy Blas. Le plus significatif est peut-être la page du manuscrit des Jumeaux, où la scène apparaît comme une source de lumière débordant sur la nuit de l'encre. Mais avec cette particularité commune à tous ces dessins : aucun d'entre eux ne correspond "au parallélépipède rectangle de la scène habituelle, ils sont cubiques", développant "tout un travail sur la profondeur", pour se révéler "toujours vides"[Anne Ubersfeld, Hugo metteur en scène]. "Seules "les parois" de ces cubes vides "comportent des éléments de décor, pratiquement toujours les mêmes, une alcôve et des portes", venant renforcer le sentiment de clôture d'un univers théâtral, pour lequel, de surcroît, aucune indication de couleur n'est noté."
Le manuscrit des Jumeaux, visible sur Gallica (illustration non reproduite dans le livre)

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